Le Portugal donne une leçon (4-0) à une équipe nationale sans âme. Après l’état de grâce de l’automne, on ne sait pas ce que veut Yakin.
- par
- Daniel Visentini
(Lisbonne)
C’est une immense gifle qui dit son nom pour de bon cette fois, après la défaite de Prague. On pourra toujours se dire qu’à Lisbonne, entre les absences d’Akanji et d’Elvedi, blessés, Murat Yakin composait comme il pouvait, mais par-delà les excuses, tout a volé en éclats, le temps notamment d’une mi-temps calamiteuse pour la Suisse en Ligue des nations. Déclassée par un Portugal qui s’est pris à faire «mu-muse», dans les espaces béants laissés, la Suisse a coulé à pic, concédant trois buts là où elle aurait pu en encaisser six. Elle s’en tirera avec un 4-0, les Portugais ayant eu la gentillesse de lever un peu le pied après la pause, tout en marquant encore un but.
Les problèmes avaient pointé avant le coup d’envoi, avec la blessure de Vargas à l’échauffement. Aussitôt remplacé dans l’alignement par Lotomba. Dans les faits, rien de grave. Les interrogations, elles avaient surgi un peu plus tôt, avec un Seferovic titularisé à la pointe de l’attaque à la place d’Embolo.
Seferovic? Le coup de poker a failli être payant à la 6e minute sur un corner de Shaqiri, quand celui qui ne joue plus ou si peu à Benfica a glissé la balle dans les buts. Mais la VAR faisait son office: Schär avait bel et bien touché dans les airs la balle du bras, juste avant. But logiquement annulé.
Et puis le néant…
Après, c’est le néant pour la Suisse. À chaque accélération portugaise, le chaos dans les lignes. Premier écueil: Schär commet une faute exactement là où il ne le faut pas, à 18 mètres. Ronaldo frappe, Kobel (titulaire à la place de Sommer pour faire tourner…), relâche mal dans les pieds de Carvalho. Deuxième écueil: Frei et Schär sont perdus, Jota peut remettre à Ronaldo seul, pour le 2-0. Troisième écueil: Ronaldo est au départ et à l’arrivée de l’action, tout est trop facile pour les Portugais, tout est douleur pour des Suisses en perdition, c’est 3-0. On peut rajouter encore trois énormes chances, dont une que Ronaldo manque en étant dans les cinq mètres et c’est là le fiasco de la Suisse.
Après la pause, tout étant déjà dit, le Portugal a géré, sans jamais être mis en danger. Et cela lui a suffi pour marquer encore une fois (par Cancelo). Il faut remonter au Mondial 2014, sous Hitzfeld, pour voir une Suisse pareillement déclassée. C’était face à la France, elle avait encaissé cinq buts, mais en avait au moins inscrit deux.
La dernière fois que la Suisse a joué le Portugal à domicile, c’était en 2019, avec Petkovic à la barre, pour le Final Four. Elle s’était inclinée 3-1, c’est vrai. Mais à la 87e, il y avait encore 1-1 et une Suisse qui avait très bien joué. Rien à voir avec le désastre aperçu ce dimanche soir.
Yakin attendu
Portée par l’euphorie d’un Euro qui l’avait amenée en quart de finale, en éliminant au passage la France championne du monde dans un morceau de bravoure, la Suisse avait dans la foulée devancé l’Italie pour se qualifier directement au Mondial. Été magique, automne bénit, soleil dans le ciel helvétique. Pas même un changement de sélectionneur ne pouvait perturber cette équipe. Croyait-on.
En succédant à Vladimir Petkovic, Murat Yakin est arrivé avec ses idées. Différentes. Le bonheur, et la chance (par deux fois contre l’Italie), ont étouffé les interrogations naissantes sur les orientations prises. Changement de style, moins de qualité dans le jeu pour plus de verticalité, passage à une défense à quatre, adaptation à l’adversaire sur le thème de la flexibilité.
À six moins du Mondial, il y a une Suisse perdue sur le terrain. Éteinte. Qui a perdu beaucoup de ce qui faisait son assurance et sa force: la confiance dans ses acquis. La perte de repère est là: elle ne sait pas quoi faire contre la République tchèque B quand elle est menée au score. Contre le Portugal, n’en parlons même pas. Et il reste encore un Suisse-Espagne et un Suisse Portugal les 9 et 12 juin à Genève…