La malchance s’acharne sur le Monégasque, qui partira avant-dernier ce soir. Il essaie de garder le moral.
Allocation moteur dépassée
Avant ce Grand Prix du Canada, Charles Leclerc avait signé quatre pole positions consécutives sans terminer une seule fois sur la plus haute marche du podium. À Miami, il s’est fait passer en course par un Max Verstappen plus rapide. À Barcelone, il allait s’imposer lorsque son moteur est parti en fumée. À Monaco, les ingénieurs de Ferrari se sont pris les pieds dans la stratégie pour faire perdre à Charles Leclerc une course qu’il ne devait pas perdre.
À Baku, enfin, dimanche dernier, son moteur est une nouvelle fois parti en fumée alors qu’il roulait en tête. Des explosions de blocs qui ne restent pas sans conséquence, puisque ces V6 turbo, tellement endommagés qu’ils étaient «irréparables» selon la Scuderia, ont dû être changés.
Or, le règlement limite sévèrement (à trois) le nombre de moteurs disponibles par pilote et par saison, et à deux le nombre d’unités de contrôle électronique du moteur. Ces limitations ont été mises en place il y a plusieurs années pour stopper la «course aux armements» des motoristes, pour empêcher les «moteurs spéciaux de qualification» et réduire les coûts de la Formule 1.
À Baku, le Monégasque en était ainsi déjà à son troisième turbo. L’explosion qui eut lieu en course devait donc amener à des pénalités pour changement supplémentaire ce week-end à Montréal. Après avoir d’abord tenté de sauver un ancien turbo réparé, Ferrari crut d’abord pouvoir limiter la pénalité de Charles Leclerc à dix places. Mais c’était avant de décider de tout remplacer, l’obligeant à partir de la dernière place de la grille – il sera finalement avant-dernier, puisque Yuki Tsunoda a fait pareil sur le bloc Honda de son Alpha Tauri, et qu’il a signé un moins bon chrono que le Monégasque lors des qualifications.
4e place possible
«Je suis déçu de partir derrière, bien sûr, commente Charles Leclerc. Mais après ces pannes, je savais que ça arriverait, je m’y attendais. Disons que vu les circonstances, c’est ici qu’il valait mieux accepter ces pénalités. Je préfère avoir une grosse pénalité une seule fois que plusieurs Grands Prix avec dix places perdues sur la grille.»
Pour le Monégasque, Ferrari a donc fait le bon choix. Même si sa course ne sera pas celle qu’il aurait pu espérer. «Je ne sais pas ce qui va se passer. Disons qu’il semble que les dépassements seront plus difficiles ici que nous l’aurions espéré. De manière générale, la voiture est très performante, mais il va falloir jouer finement avec la stratégie, espérer avoir de l’espace devant, et viser la quatrième place. C’est le but aujourd’hui.»
Évidemment, en partant troisième, Carlos Sainz porte tous les espoirs de la Scuderia à Montréal. «Si je ne suis pas en position de gagner, j’aimerais que Carlos y parvienne», poursuit Charles Leclerc. «Ce serait formidable pour lui. Il est compétitif, il est très proche de Max (Verstappen), Mais… s’il y a des neutralisations derrière la voiture de sécurité, et si j’ai beaucoup de chance, je pourrai peut-être me joindre à la bataille de tête. Bon… Ça, c’est un peu optimiste!»
Toto Wolff: le «lamentable» esprit de ses collègues
Jeudi, la Fédération Internationale de l’Automobile (la FIA) a émis une nouvelle directive technique visant à limiter le «marsouinage» des voitures à partir du prochain Grand Prix, à Silverstone.
Mais dès ce week-end, elle a autorisé en urgence l’usage d’un deuxième fond plat pour limiter l’effet des bosses pour la santé des pilotes. Seule l’équipe Mercedes a réussi à installer ce deuxième fond, le vendredi, avant de le démonter samedi matin par crainte des éventuelles réclamations, le règlement n’ayant pas formellement été changé et donc n’autorisant pas encore ce deuxième fond plat – qui, de toute façon, n’amenait aucun progrès.
Mais samedi matin, au cours du traditionnel café entre patrons d’écuries, Toto Wolff, celui de Mercedes, s’est plaint du comportement de ses collègues. «On parle ici de la santé de nos pilotes. Et pas seulement de ceux de Mercedes, de tous les pilotes. Dans chaque écurie, on en trouve au moins un qui parle de douleurs au dos, qui dit que sa vision est troublée et qu’il ne peut pas mener la voiture avec précision dans certains virages. Les voitures sont trop rigides, elles tapent la piste, elles marsouinent, elles rebondissent, appelez ça comme vous voulez. Avec des effets à long terme sur la santé des pilotes qu’on ne peut pas encore juger. Et voilà que certains patrons tentent des manipulations derrière les décors, qu’ils interdisent à leurs pilotes de parler. C’est lamentable.»
«Ce problème touche tout le monde»
Toto Wolff parle sans les nommer de Christian Horner et de Franz Tost, les patrons de Red Bull et de son écurie sœur, Alpha Tauri. Le premier a dit que les écuries qui ont des problèmes de rebonds devraient être disqualifiées pour mettre la santé de leurs pilotes en danger, et le deuxième a lâché que les pilotes qui se plaignent devraient rentrer à la maison! Son pilote Pierre Gasly, qui disait que si ça continue, il marchera avec des cannes à l’âge de 30 ans, va apprécier.
«Les gens vont bien entendu se demander si je ne parle que pour mon équipe, poursuit Toto Wolff. Mais quand un pilote Red Bull comme Sergio Perez dit qu’à partir de 300 km/h, il ne voit plus rien au moment du freinage, on se rend compte que ce problème touche tout le monde. Sainz, Ricciardo, Ocon ou encore Magnussen en ont parlé. Ce problème ne touche pas que notre écurie, il est général et lié à l’effet de sol. Il faut résoudre ce problème avant un grave accident lié à l’aérodynamique de ces voitures… »