Le Français semble chaque semaine piloter un peu mieux. En Allemagne, sa domination a été éclatante, comme elle l’avait été deux semaines plus tôt en Catalogne.
- par
- Jean-Claude Schertenleib
En théorie, on peut devenir – de plus en plus difficilement – champion du monde en calculant, pourquoi pas en calquant ses courses sur ses principaux contradicteurs. Si la régularité reste un élément clef dans la réussite, le panache est aussi exigé. Panache dans le pilotage avec des actions «à la Marc Márquez» quand il était là, mais aussi panache dans la gestion de sa course. Et c’est exactement ce que montre désormais Fabio Quartararo, champion du monde en titre et déjà très bien placé pour conserver sa couronne. Car sa manière de faire, son sens de l’attaque dans les premiers tours, font du mal à tous les autres.
En menant les courses de cette manière, le Niçois rend ses adversaires moins bons. Pire (pour eux) et mieux (pour lui): en étant aussi impitoyable, il les oblige à commettre des erreurs, la dernière en date, celle de «Pecco» Bagnaia, dimanche. Même s’il ne «comprend pas ce qui lui est arrivé, quelque chose d’anormal a dû se produire», le pilote officiel Ducati sait au fond de lui qu’il est le seul coupable. Parce que Quartararo est trop fort. Comme Rossi à une époque. Comme Marc Márquez peu après.
Honda: une date historique
Depuis le retour du géant japonais dans la catégorie-reine, en 1982, jamais Honda n’avait terminé un GP sans qu’au moins l’un de ses pilotes ne soit classé dans les points. Dimanche, Takaaki Nakagami est tombé (pour la troisième fois du week-end), Alex Márquez a abandonné – souci technique avec le système qui permet d’abaisser la moto au moment du départ –, Pol Espargaró est rentré à son stand perclus de douleurs après une chute aux essais, mais aussi souffrant de brûlures au pied droit.
Seul le pilote de test et remplaçant de Marc Márquez, l’Allemand Stefan Bradl, est parvenu au bout de son pensum, en seizième position, 22 secondes après l’avant-dernier de la course: «Je me demande toujours pourquoi j’ai insisté. Honda n’est même pas capable de proposer un carénage qui permettrait à ses pilotes de ne pas se brûler quand il fait si chaud; très rapidement, je ne pouvais qu’à peine toucher mon levier de frein et ma botte, du côté droit, était en feu. Se traîner ainsi, devant son public, c’est la honte.»
Les arbres qui cachent la forêt…
Cet échec de Honda interpelle et aura logiquement des conséquences. À quoi est-elle due? À un conservatisme exagéré au moment des choix techniques, alors que les Européens, Ducati d’abord, Aprilia ensuite, ne se gênent pas de se lancer dans des voies chaque fois nouvelles? Bien sûr, mais ce conservatisme a un lien direct avec la culture nippone. À des erreurs de management? Oui, dans la mesure où, il y a quatre ans, on a poussé Dani Pedrosa vers la sortie et que ses successeurs, Jorge Lorenzo puis Pol Espargaró, n’ont jamais été à la hauteur. Parce que, chez Honda, il y avait un arbre si grand qu’il cachait toute la forêt: Marc Márquez. Blessé depuis deux ans et encore absent jusqu’à la fin de la saison. L’arbre qui cache la forêt, c’est aussi le cas, désormais, chez Yamaha, via Fabio Quartararo; on espère juste pour le deuxième plus grand constructeur japonais que les responsables des activités sportives sont conscientes de cette situation.
… et les arbrisseaux
Depuis des années, la Ducati Desmosedici est la moto la plus rapide de la classe MotoGP. Pourtant, cela fait quatorze ans et un certain Casey Stoner que le constructeur de Borgo Panigale attend un titre mondial. Toujours à la recherche d’un arbre qui ne cacherait pas la forêt, mais qui serait suffisamment solide sur ses racines, Ducati se retrouve avec une kyrielle d’arbrisseaux. Bagnaia, le numéro 1 déclaré, commet trop de fautes; Miller, son équipier à l’usine, a été prié d’aller voir ailleurs l’an prochain; Martin, le successeur désigné, a été trop souvent et trop sérieusement blessé ces deux dernières saisons et Bastianini, que l’on voyait dans une nouvelle peau en début d’année, a perdu de sa superbe depuis qu’il est question de lui pour rejoindre le team officiel.
Corollaire, c’est le pilote Ducati qui fait le moins de bruit, Johann Zarco, qui est le mieux placé au championnat et ceux qu’on attendait un peu moins, comme Luca Marini et, depuis quelques semaines, Fabio Di Giannantonio, qui font le plus de progrès. Du côté de Bologne, le responsable de la pépinière va avoir du travail…