Christophe Nonorgue s’est attelé à un défi bien particulier de jeudi à ce vendredi. Le coureur est parti pour 180 allers-retours de la même pente. En cas de réussite, il décrocherait le record du monde de dénivelé.
- par
- Rebecca Garcia
(Montlebon)
«Allez, plus que 23 heures et 55 minutes.» A l’issue de sa première boucle, Christophe Nonorgue bénéficiait encore des encouragements chaleureux et motivés de la quinzaine de personnes venues le soutenir. Après le troisième tour, son collègue – lui aussi professeur au collège du Mail – lui proposait déjà un verre d’absinthe. Refusé. Le Neuchâtelois a une mission toute désignée en ce jeudi de l’Ascension.
«Si je ne bats pas le record, tout ça n’aura servi à rien»
Le défi? Battre le record du monde de dénivelé en 24 heures, qu’Aurélien Dunand Pallaz a fixé à 17’218 mètres. La pente choisie, celle de la piste du Meix Musy en France, présente une pente de 46,8%. Un aller-retour en courant équivaut à 95,7 mètres de dénivelé positif et 450 mètres de distance. Ni trop raide, ni trop doux – du moins pour le sportif.
Christophe Nonorgue doit effectuer 180 allers-retours pour s’offrir le record du monde. 185 pour un double Everest, si le cœur lui en dit. «J’ai calculé mes temps de passage pour 188 tours. C’est peut-être optimiste», admet-il avec bonne humeur. Le plan consiste à marcher dans les montées et trottiner dans les descentes.
Le Sisyphe des temps modernes a ajouté le physique aux calculs. Depuis une opération à la cheville fin novembre, il compte plus de 199 000 mètres de dénivelé positif. Il reconnaît que ses chaussures font office de pari. Il n’hésitera pas à les sacrifier si elles lui font mal au pied. «On a pris des ciseaux s’il faut couper la gaine qui est intégrée.»
Une trentaine de minutes avant la course, le professeur de 42 ans crème tranquillement ses pieds. Au moins 3 paires de chaussettes sont à ses côtés. «Si tout va bien, je n’en ai besoin que d’une, assure-t-il. Le reste, c’est au cas où.»
La tension monte d’un cran à mesure que la course avance. Ses proches lui demandent s’il est en forme, s’il a bien dormi. Il y a une ambiance de «réussir ou rien», que Christophe Nonorgue traduit en une phrase: «Si je ne bats pas le record, tout ça n’aura servi à rien.»
«Si j’ai un record du monde, j’aurai peut-être davantage de chances de pouvoir participer au marathon de Barkley.»
A ses côtés, une autre traileuse se lance pour se mesurer au record féminin – lui fixé à 16’513 mètres par Elise Delannoy. Céline Bernasconi avance à son rythme – rapide – tout en restant fidèle à elle-même. «Ton ravitaillement me donne plus envie que celui de Christophe», rigole Isabelle. «J’ai mis un peu n’importe quoi… mais servez-vous, n’hésitez pas», répond l’athlète, avant de repartir à l’ascension.
Son chronométreur, présent pour attester de la réussite ou non du défi, a déjà vécu la situation. En deux tentatives, il a vu une réussite et un échec. «Ce qui est le plus dur est le petit matin. C’est là qu’il fait le plus froid, que les corps sont les plus fragiles, et donc que l’estomac pose problème.»
Les interminables montées et descentes prendront fin vendredi à midi. Le dépassement de soi, souvent dégainé par les sportifs d’endurance, est vite balayé au profit d’arguments plus surprenants. «Si j’ai un record du monde, j’aurai peut-être davantage de chances de pouvoir participer au marathon de Barkley.»
En plus de la mythique course américaine, le Neuchâtelois reconnaît qu’il a lancé un petit jeu lorsqu’il a établi son premier record du monde de dénivelé positif, en mai 2019. «Peu à peu, d’autres se sont lancés», raconte-t-il. Au point que son record devienne obsolète, et qu’il doive le reconquérir. «Il y a tellement de paramètres à optimiser», plaide-t-il.
«La première fois, c’était vraiment à l’arrache, confirme Isabelle. Christophe avait fait une micro-sieste en doudoune dans la voiture.» La famille s’est davantage préparée à l’Ascension. Assez? Réponse ce vendredi à midi.