Claude Saccaro est imbattable, quand il s’agit de solidifier des édifices attaqués par le salpêtre ou la calcite, comme à la tour de Moron de Mario Botta.
Faire de l’humidité dans la pierre le combat d’une vie, c’est une destinée peu commune adoptée par Claude Saccaro. Quand ce spécialiste a vu treize marches écrasées au pied de la tour de Moron dessinée pas l’architecte tessinois Mario Botta, il était le moins surpris de tous les observateurs: «Personne n’anticipe les méfaits de l’humidité, alors que la solution existe», soutient-il.
«L’environnement n’est jamais pris en compte», dénonce Claude Saccaro. Le salpêtre, c’est l’ennemi numéro 1, qui grimpe dans des murs inertes comme la sève monte dans un tronc vivant. En devant solide par évaporation de l’eau, ce nitrate de potassium est un sel qui augmente de volume, fracture la pierre et la délite. «Si on ajoute les effets du gel, c’est la destruction à long terme», insiste Claude Saccaro.
La calcite
En scrutant les images de la tour panoramique de la montagne de Moron, abîmée peut-être irrémédiablement, Claude Saccaro ne désigne pas le salpêtre, «même s’il y en a», mais la calcite, des infiltrations d’eau pluie «qui délitent la pierre et qu’il faut analyser». «Les marches se sont désolidarisées», suppose le spécialiste.
Ses 35 ans d’expérience font de lui un expert mais Claude Saccaro n’est pas consulté par tous les architectes. «Dans un cercle très fermé, beaucoup sont pourtant incompétents dans le domaine de l’humidité: ils considèrent que ce qu’ils ne connaissent pas ne peut pas exister», accuse-t-il.
Tiroir-caisse
Claude Saccaro se voit comme un trouble-fête: «On dérange un ego, un tiroir-caisse et du copinage», lance-t-il. Du côté de Nyon, de Lausanne et d’Yverdon, il a pourtant multiplié les mandats, surtout dans des églises et des châteaux, comme celui d’Yverdon ou le Château Saint-Maire de Lausanne. Le prochain sauvetage le mènera au Musée romain de Nyon, entre archéologie net restauration.
Sa formation, Claude Saccaro l’a acquise des plates-formes pétrolières. «J’ai fait cinq ans de tôle», rigole-t-il. C’était pour réaliser des soudures par 150 mètres de fonds. C’est là que sont apparus le problème et sa solution: la baguette à soudure se collait au pipeline en raison du champ magnétique terrestre. «On pose bien des anodes sur des pipelines à cause de l’électrolyse, pourquoi n’y aurait-il pas de courant dans les maçonneries en surface?» interroge-t-il.
Taches blanchâtres
Sa solution, Claude Saccaro l’a remonté à la surface, face à un papier peint qui se décolle, une molasse qui s’égrène, une peinture qui s’effritent ou du salpêtre sur les murs: «Ça donne du travail aux maçons et aux peintres qui se gardent bien de donner notre adresse…», sourit-il.
Mais l’humidité est son ennemie: «Je suis entré dans des églises toxiques, dans des théâtres toxiques où l’humidité vous pique la gorge et vous oblige à changer de vêtement quand vous rentrez chez vous», insiste-t-il. Ses services, il les a proposés pour la tour de Moron, sans recevoir un accusé de réception.
«Après la chimie, c’est l’électronique qui pourrit la planète», estime Claude Saccaro, pour qui il est nécessaire de «reprendre contact avec le sol». Son remède: l’électro-osmose, qui stoppe la montée de l’humidité. Ses électrodes, il les a enfoncées tout autour de sa villa, à La Chaux-de-Fonds. Le câble enterré à une profondeur de 30 centimètres sert de conducteur relié à un correcteur de champ magnétique. Rien de standard, que du sur-mesure: «Les terrains varient d’un endroit à l’autre», explique Claude Saccaro.
Mettre à zéro
Techniquement, il s’agit par induction de «mettre à zéro le potentiel du couple sol/bâtiment» avec un câble électrique et un correcteur, pour passer de 500 millivolts à zéro. Sa maison est comme on dit dans le métier, «cerclée». Autre exemple? «Au stade de foot de Chalet-à-Gobet, l’eau de pluie ne pénétrait pas le sol argileux. Il a suffi de le cercler, et hop!» Idem dans une vigne, en raison, dit-il, de l’ignorance des mécanismes des sols, surtout quand ils sont argileux.
Chez «www.humi-stop», Claude Saccaro (72 ans) travaille avec Fabienne, au bureau, et avec son fils Laurent (49 ans), Dr en histoire de l’art médiéval, qui prend soin de canaliser la fougue paternelle. «Il n’y a actuellement pas de prévention dans la vie des bâtiments», dit-il. La pomme n’est pas tombée loin de l’arbre…
Le propos de Claude Saccaro:
«Savez-vous qu’aujourd’hui, il y a autant sinon plus, de problèmes d’humidité et de salpêtre qu’à l’époque de Viollet-le-Duc. (1814-1879)? Est-il normal que depuis des décennies, les travaux de rénovation des édifices religieux et historiques se succèdent les uns après les autres? Est-il normal que les sommes investies parfois conséquentes s’avèrent au fil du temps des dépenses inutiles? Est-il normal qu’une restauration soit parfois rendue vaine par l’humidité et le salpêtre avant même qu’elle ne soit achevée? À l’heure actuelle la conservation des édifices religieux et historiques représente souvent un perpétuel gâchis de moyens tant humains que financiers».
«Dans le milieu off-shore, on pose des anodes sur les pipelines parce qu’il y a de l’électrolyse. Le traitement des humidités est la première marche vers une restauration pérenne, qu’elle concerne les surfaces intérieures où extérieures. Avant même le premier coup de pioche, il faut étudier les dégâts. Tout doit être explicable-expliqué, démontrable-démontré, mesurable-mesuré».