Le surveillant de la protection des données s’alarme face aux tentatives étatiques de restreindre le droit à l’anonymat et au chiffrement des services de messagerie.
Contrairement à ce que pensent certains États, on ne commet pas d’abus de liberté quand on cherche à échanger de façon privée sur internet. Mardi, Adrian Lobsiger, le préposé fédéral à la protection des données, publiait son rapport annuel et faisait part de ses grandes inquiétudes.
Projet européen liberticide
«La sphère privée est une notion de plus en plus dévaluée. Des gouvernements demandent un accès préventif aux communications individuelles de leur population», relève-t-il, ce qu’il qualifie «d’attaque directe contre la vie privée des citoyens» et de volonté de «surveillance généralisée». «Dans un monde libre, chaque individu devrait avoir le droit de se déplacer sous couvert de l’anonymat», dit-il.
Il fait notamment référence à la volonté exprimée, mi-mai, par l’Union européenne de contraindre les services de messagerie à détecter tout contenu pouvant être en lien avec des cas d’abus sexuels dont sont victimes des enfants. Le hic, c’est que le projet concerne aussi les échanges de messages protégés par un chiffrement, censé garantir la confidentialité des communications.
On peut tout cacher, même à l’État
«Il est indispensable que les démocraties préservent le droit des acteurs privés de traiter leurs propres données et celles de leurs clients de manière autonome, en étant libres de les cacher à des tiers, y compris à l’État», conteste le préposé dans son rapport. Les États, eux, justifient leur politique par la prévention de la criminalité.
«La criminalité est immanente à la société et ne peut en aucun cas servir d’excuse pour reprocher aux citoyens d’«abuser de leur liberté» lorsqu’ils utilisent des systèmes cryptés. Lorsqu’une personne se rend à pied dans un restaurant puis dans un lieu où elle commet une infraction, on ne peut pas lui reprocher de déplacement abusif dans l’espace public ni de repas abusif. Il en va de même lorsqu’un délinquant utilise un canal crypté avant ou après avoir commis un délit», ajoute-t-il.
Il rappelle néanmoins que «le droit de communiquer de façon anonyme n’exclut pas, bien entendu, les interventions policières au cas par cas, autorisées par le juge, contre des personnes soupçonnées d’infraction et leur entourage».
(ywe)